Chers supporters !
C’était l’un de ces objectifs que l'on se fixe et que l'on rêve d'atteindre lorsqu’on devient athlète. Une ambition qui nous laisse imaginer un avenir grandiose, une expérience enivrante. Mais tout cela est sans compter, sans penser et s’imaginer un seul instant la difficulté du chemin pour y arriver.
16, c’est le nombre de semaines qui séparaient la date de mon opération et la date butoir de la qualification olympique. 16 semaines à tout tenter, à ne jamais rien lâcher. C’est ainsi que depuis le 11 mars se construit ma rééducation, ma réhabilitation et ma réathlétisation pour retrouver mon plus beau niveau sur les 7 disciplines de l’heptathlon.
Au fil de ces trois mois, j’ai réalisé des progrès sans appel, à une vitesse que je n’aurai jamais pu imaginer, en faisant chaque jour des petits pas, qui me semblaient paradoxalement, des pas-de-géant. Et je vous l’assure, dans ces moments-là il n’y a que des grandes victoires. Et ce, même si je descends encore les escaliers en crabe, que mes genoux se font encore parfois la malle en se dérobant pendant quelques centièmes de secondes ou que le simple fait de faire un squat est une véritable épreuve. La victoire est parfois ailleurs et après plus de 8 mois sans faire une seule impulsion, j’ai retrouvé pour mon plus grand bonheur le sautoir en hauteur. Retrouver les sautoirs m’a fait prendre conscience de mon chemin parcouru, et m’a donné la force d’y croire.
Il est alors arrivé que je m’endorme dans les bras de l’illusion, après une journée pleine d’espoir et de progrès à l'entraînement, de rêver de ce stade France pendant des nuits pour me réveiller par la désillusion, à ne plus pouvoir tendre la jambe entièrement dû à l’effort du jour précédent.
En quête d’équilibre permanent, entre idées, suggestions, protocole, avis médical et réalité du terrain, les douleurs postopératoires ont perduré dans le temps. Jonglant entre avancer de deux pas puis reculer d’un. J’ai jonglé avec la force, la témérité, mais aussi la faiblesse et la fragilité.
Et c’est bien à ce moment précis qu’il a fallu rester forte, car on finit parfois par se demander si on ne se crée pas une double réalité, qui est en fait bien loin d’exister, si le pari de faire Paris n’est pas qu’une fiction parmi tant d’autres, et si on est réellement à la hauteur de l’épreuve. J’ai été confrontée à l’incertitude, aux changements. Je me suis mesurée à mes décisions, j’ai fait des choix, j’ai pris parfois de plein fouet la claque de la réalité. Mais, dans le sport, rien n'est défini à l’avance, c’est pourquoi j’ai voulu y croire. J’ai continué à me battre, j’ai tenté tant bien que mal de défendre mes chances jusqu’au bout, en faisant du mieux que je pouvais, et c’était déjà beaucoup. Et s'il y a un truc dont on ne parle pas assez, c’est le courage, le courage de garder la force pour continuer, continuer d’y croire alors que tous les éléments sont contre nous.
2023, a été une longue traversée du désert pour moi. J’ai encaissé des choses dont je ne me serais pas crue capable, dans un écosystème instable, où les Jeux Olympiques de Paris, sont devenus ma seule et unique bouée de sauvetage. Avec une pression de plus en plus forte au fil des mois, cet objectif s’est ancré dans ma tête sans jamais en sortir. Ces JO, sont alors devenus, il y a un an, ma seule motivation pour aller à l'entraînement, ma raison de continuer, et ce, même en étant blessée. Et face à l’enjeu olympique qui se profilait l’année suivante, je n’ai pas su m’arrêter, en voulant et en espérant toujours plus, même si mon corps me le demandait.
Alors je me suis laissée porter le temps d’une saison, entre tentatives percutantes et hésitantes, en persévérant avec douleur, sans imaginer un seul instant, que ça puisse durer aussi longtemps. La fierté de porter le maillot de l’équipe de France lors des JO était devenue plus forte que la préservation du corps et de l’esprit.
Mais vient un jour où l'on comprend que ces décisions inconscientes ne sont qu’un avant-goût d’un tourbillon d'émotions qui laisseront, à l’avenir, des traces indélébiles. Alors j’ai choisi la sagesse de ne pas revivre deux fois la même ivresse.
Mon corps a pris ses jambes à son cou depuis quelque temps déjà. Certes, les progrès sont là, mais le risque de mettre en péril ce que je suis en train de reconstruire, en tentant le tout pour le tout lors d’un heptathlon, est bien trop grand.
Il n’y aura pas de Jeux olympiques pour moi cet été, je ne serai pas olympienne comme je l’ai tant rêvé, mais mes ambitions ne s’arrêtent pas à 2024 ! J’aurais évidemment aimé concrétiser ce rêve de petite fille de vivre Paris, mais je n’ai aucun regret.
Ces dernières saisons ont été éprouvantes, j’ai travaillé tellement dur, afin de me prouver à moi-même, que je ne suis pas uniquement une personne capable de courir vite. Mais aujourd’hui je refuse de continuer à associer l’athlétisme à la douleur, à sortir de cette année dévastée par la tristesse, l’amertume et le désespoir. Ces JO ne peuvent pas me retirer tout ce que j’ai bâti jusqu’à présent. Car lorsque ça nous coûte notre santé mentale, c’est déjà beaucoup trop cher.
Sachez que je suis fière de la façon dont j’ai géré ces derniers mois, et toutes les batailles silencieuses que j’ai mené. J’ai su m’entourer des bonnes personnes et malgré tout prendre du plaisir dans cette préparation. Je ne suis pas encore arrivée là où je veux être, mais je suis fière de ne plus être là où j’étais. Il est temps, aujourd’hui, que j’applique ce que je prône, briser les frontières mais, surtout ses frontières internes qui nous empêchent d’être nous-même, et que le cœur et la raison retrouvent sérénité et légèreté.
Il y aura un après 2024, j’en suis persuadée. Je n’ai cessé de grandir depuis, à moi d’utiliser cette expérience comme une opportunité d’apprentissage, de renforcer mes liens et de continuer à préserver ma passion.
J’ai tenté et je n’ai rien à regretter. Il fallait avoir l’audace d’essayer. On l’a toujours dit, quand on choisit avec le cœur, on ne regrette jamais.
Partager cette aventure avec vous, a été une force supplémentaire, alors un grand merci d’en avoir fait partie.
Il y aura des jours meilleurs.
A bientôt,
Léo
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